Clicky

Sélectionner une page

Julia a 45 ans. Une vie bien emplie. Pavillon, enfants, mari, chien, le quarté gagnant, celui qui fait rêver ses copines. Elle ne regrette rien et trouve qu’elle a plutôt réussie. Elle n’imaginait pas à 15 ans qu’elle aurait cette vie là. 

15 ans, c’est justement l’âge où tout s’est joué. Les parents, petits bourgeois de province avaient trimé pour avoir une meilleure situation que la génération précédente. Alors ils n’en finissaient plus de se congratuler, de se sentir exemplaires, et de trouver que les autres ne se remuaient pas beaucoup, ces assistés ! Julia était réfractaire à ce discours, alors elle avait multiplié les possibilités de les emmerder. Tous ses petits amis étaient exclusivement racisés et elle hésitait encore à bosser dans la culture ou dans le social. Et tout cela fonctionnait à merveille, son père était vert de rage et menaçait chaque semaine de la foutre dehors. Il n’en eu pas le temps. Elle trouva un squat. Il passa de vert à écarlate. 

Julia fit tout bien pour continuer de les emmerder.

A 45 ans, elle était une militante gauchiste active, bossait pour une association d’aide à l’intégration d’étrangers, menait des actions écolos contre de grands groupes pharmas, était mariée depuis 15 ans à Najib originaire du Niger, et vomissait dès qu’elle le pouvait au propos de ses parents dont la position politique n’avait jamais cessé de progresser toujours plus à droite.

45 ans, sa vie entière n’est qu’un combat. De l’action toujours. Une meneuse. Beaucoup de fatigue. D’un côté fière, de l’autre, ce combat l’avait aveuglé et elle n’avait aucune idée de ce qu’elle était ou aurait souhaité.

Elle commençait à sentir dans sa chair ce décalage. Ce que l’on vit. Ce que l’on ne vit pas. D’abord les crises d’angoisse. Puis la maladie que l’on diagnostique des mois, des années durant, qui ne fait qu’hurler cette différence entre ses aspirations profondes et cette vie là, là maintenant.