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Elle était née. De celles que l’on appelle même, bien née. Dans une famille à particule. Dont l’héritage est aussi lourd à porter qu’il impressionne. 
 
Sur un plan social probablement. En toute circonstance, toute circonstance, savoir se tenir, tenir son rang. Et beaucoup plus prosaïquement, sur un plan financier. Entretenir les biens immobiliers des ancêtres de la famille n’était plus guère possible pour ses parents. Petit à petit, ils s’étaient délestés. 
 
Les relations de la famille oscillaient alors entre de vieilles noblesses consanguines, de nouveaux bourgeois qu’il convenait de surveiller jusqu’à de modestes ouvriers qu’il fallait bien côtoyer. Le surplus d’éducation et l’héritage permettant de simuler le bien être en toute circonstance. 
 
Les gloires familiales et la fratrie uniquement féminine d’une rare beauté avaient permis de maintenir une certaine illusion.
 
De ces faits, toute son enfance avait été baigné d’entre deux. Extrêmes. La noblesse, ses traditions, ses apparats, les relations de bonne famille. Les ouvriers remettant d’aplomb un bien ancestral, le paysan rachetant des terres dont ses aïeuls avaient été les serfs, un artisan talentueux seul capable de réhabiliter un vieux clocher.
 
Une rébellion d’apparence légère parce que peu porte ce poids, l’avait fait fuir les études qui lui étaient destinées et le territoire bien né. 
 
D’études en rencontres, elle avait atterri dans un pays où la tradition de l’artisanat et la puissance financière étaient une somme efficace.
 
Elle s’était rapidement rapprochée d’un élégant homme raffiné et bien éduqué lui permettant de contre-balancer cette courte période d’une folie passagère qui lui était reprochée. Ainsi, elle renouait avec une tradition que l’on attendait d’elle. Même si d’aveu familial, tout cela n’était pas à la hauteur des espoirs fondés en elle.
 
Quelques enfants plus tard, sa rébellion endormie, sa culpabilité et sa beauté l’entrainèrent à l’exact opposé de ce que les traditions familiales et catholiques lui avaient inculqués. Elle fauta.
 
Elle fauta. 
 
Cette beauté la rendait plus sujette aux appétits. Elle était davantage convoitée. Cette appétence naturelle pour la différence. L’élégance raffinée du partenaire s’était transformée en un planplan de première catégorie. 
 
Tout bien observé, elle ne peut pouvait que fauter. Et pourtant, quel poids sur ces épaules frêles alors que tant d’autres se livraient aux mêmes sérénades sans qu’elles le lui furent à ce point reprochées.
 
Elle fauta, et dans ce contexte familiale, cela lui valu un long purgatoire. Déjà atypique, elle fut à deux doigts de l’opprobre.
 
Forte, elle profita de ces instants pour plus ou moins secrètement vivre. Vivre tel qu’elle l’entendait. Vivre tel qu’il était entendu que l’on puisse vivre lorsque l’on n’est pas censée être bien née, lorsque l’on n’est pas née femme, lorsque l’on n’est pas née de ce rang. Une bien courte parenthèse à peine goûtée.
 
Un jour, l’amour vint à elle. Un peu brutal. Un peu monumental. Un peu exubérant. C’était une joie. C’était un poids. Probablement pas ce dont elle rêvait. Mais pouvait-on renoncer à une telle convoitise et un tel enthousiasme ? 
 
Le bien-être de toute circonstance reprenait le dessus et ce nouveau couple semblait parfait sous tout rapport, tant pour ce pays d’adoption rompue aux compromis que pour cette famille qui souhaitait par dessus tout sauver les honneurs.
 
Mais son bonheur à elle. Quand était-il exactement programmé ?