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C’est une pivoine magnifique aux abondants pétales roses pourpres. Charnue. Entourée de ses congénères, elle est discrète et délicate. Elle dépasse pourtant nombre d’entre elles par la chatoyance de ses couleurs. Il faut être attentif et avoir un goût prononcé pour les pivoines pour déceler cette intrinsèque beauté. Elle est pour celui qui à l’oeil aguerrie la plus jolie du parterre. 

 

Ce qui la rend si particulière est peut être sa tenue. Dotée d’une tige particulièrement fine, sa tête regarde vers le sol quand toutes les autres guettent le ciel et les oiseaux. Elle est cependant sûre d’elle et assurée de toute sa liberté. Elle ne voit pas le ciel car les remugles de ses pétales la ploie.

 

Un jour, on lui appose un tuteur et elle découvre les papillons qui volettent et comprend le son des oiseaux. Elle observe et découvre de nouvelles saveurs et de nouveaux paysages. La douceur du soleil qui dore sa calice. Ca l’enchante et elle se croit capable alors de se tenir droite. 

 

Ses amies l’aimaient dans cette existence pétales basses. C’était probablement la plus belle mais ses étamines abandonnées vers l’herbe voisine la tenait discrète. On l’aimait comme ça. Alors quelques colibets vinrent à ses oreilles. Cette cage discrète qui lui inclinait les pistils vers le sol, celle-là qu’on lui avait inculquée, était ancrée en elle depuis si longtemps qu’elle demanda qu’on rompe le tuteur.

 

Le tuteur fut rompu.

 

Elle retrouva avec délectation ses habitudes d’antan. Quand ses amies lui parlaient d’oiseaux elle leurs répondait escargot, quand on lui disait ciel d’azur elle décrivait les nuances de vert de l’herbe au printemps. 

 

La cage était là depuis si longtemps qu’il était plus sécurisant d’y rester enfermée.