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Elle s’en voulait. Elle s’en voulait. Elle s’en voulait ! Elle s’en voulait tellement.

 

Mais comment bigre pouvait-elle répéter névrotiquement  cette même séquence à l’infini ?

 

Jeune, elle y avait été exposée, elle s’en rappelle. Elle s’en rappelle. Elle s’en rappelle parfaitement. Les erreurs commises. Répétées. Inlassables. Ces choses dites. Celles qu’elle ne voulait pas.

 

En grandissant, heureusement, les succès s’étaient enchainés, métier, amour, expériences, un feel good movie l’avait embarqué et lui laissait penser que cette habitude délétère l’avait quittée définitivement.

 

Et en effet, ce satané réflexe l’avait délaissé quelques années. L’absence de stress, les choses faciles, le succès, tout s’était enchainé et elle se croyait à tout jamais séparée de ce mal. Pour tout dire, elle n’en avait plus conscience et n’en avait plus même de souvenirs.

 

C’est au premiers échecs de la quarantaine que le mal est revenu insidieux. D’abord doucement. Puis reprenant la place qu’il avait cédé des années durant pour redevenir le même. Peut-être même amplifié. Occupant une place toujours plus grande. 

 

Il lui suffisait de vouloir quelque chose, de désirer, d’aller dans une direction, pour que son corps, son être, sa parole, que tout d’elle dise le contraire de ce qu’elle souhaitait. Avec l’assurance apparente de l’expérience. Avec aplomb. 

 

C’est ça, elle contrariait l’envie qu’elle avait. Elle décevait son interlocuteur qu’elle souhaitait amadoué. Elle se retrouvait dans des situations où elle aurait souhaiter clamer son amour, sauter dans le vide, nager dans l’océan, partir. Et se retrouvait recroquevillée seule et triste dans son fauteuil. Elle rêvait grand. Et se retrouvait toute petite. Elle souffrait, ressassait, réfléchissait, se demandait pourquoi elle avait dit telle ou telle chose à peu près à l’opposé de celle qu’elle souhaitait. 

 

Mais pourquoi, mais pourquoi donc ! 

 

Comme si quelque chose de plus grand qu’elle la condamnait au malheur.