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La fête est à son comble.

Il est un peu moins de minuit. Le volume de la musique a continué d’augmenter. Des petits groupes se sont créés, ici autour d’un débat animé, là des postures de Yoga et un noyau solide qui continue de danser sur des rythmes hypnotiques. Téo est un peu grisé, mais cela devrait amoindrir son trac pour l’annonce qu’il s’apprête à faire.

 

“S’il vous plait. Je dois vous annoncer… s’il vous plait…

Voilà. J’ai décidé d’arrêter mon master. Je vais quitter la fac dès demain. On ne se reverra pas. Pas de sitôt en tout les cas.”

Le silence envahit cette fois l’assemblée. Les amis incrédules tentent de jauger s’il s’agit d’une blague, d’une véritable annonce ou d’un état d’ébriété avancé.

“Lundi prochain, je rentrerai dans la communauté Ivre de bonheur. Je sais, c’est un nom con, mais ces gens me plaisent. C’est une ferme communautaire en drôme provençale. Ils sont presque quarante personnes dont seize enfants. Tout y est auto-produit et leur objectif est d’avoir un minimum d’interactions avec le monde extérieur. Il y a des éleveurs, des jardiniers, mais aussi des charpentiers, boulangers, etc, tous respectueux de la terre et de la vie. Je ne sais pas encore tout à fait la mission qui m’y sera donnée mais je suis impatient de les revoir. Je vais me séparer de mon téléphone, de toutes mes affaires, de tout. C’est une nouvelle vie qui démarre et je serai enfin proche de mes aspirations, de la terre, des bêtes, de rapports humains vrais. Vous allez me manquer, mais j’ai hâte maintenant. Le courrier est toléré, pour ceux qui le souhaitent on pourra s’écrire.”

Un silence assourdissant s’est installé, on peut parler de sidération de la part de ses amis. Ce silence agit comme amplificateur des sanglots de Clio, la petite amie de Téo qui manifestement apprend la nouvelle en même temps que tous les autres. Puis un applaudissement émerge, c’est Mathieu, qui crie à Téo “alors ça, c’est couillu, bravo poto”. L’assemblée semble hésiter à choisir son camps, un sifflement retentit. C’est finalement les applaudissements qui gagnent la partie. 

Téo se retire, profitant de la nuit noire pour s’éclipser.

Minuit est passé. Les amis sont abasourdis, mais déjà la fête reprends et des discussions se tiennent, chacun avançant ses arguments “il ne tiendra pas deux semaines” “cette vie monacale n’est pas faite pour lui” “il me paraissait bizarre depuis trois semaines” “quel salaud de nous lâcher” …

 

Téo se sent bizarre. Emplit de liberté. Léger. Gai. Rassuré aussi de ne pas avoir été pris à partie. Embêté d’avoir joué ce mauvais tour à ses amis. En particulier à Clio. Il a tout échafaudé seul pendant des semaines. Demain sa ligne de téléphone sera coupée. Son bail a expiré ce soir même. 

Dorénavant, cette page est tournée. Dans une poignée d’heures maintenant, Téo intègrera la ferme et ses habitants….

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