Voici le chapitre 10. Les chapitres précédents sont disponibles sur ce site. Ils sont disponibles par le menu en haut à droite de cet écran dans la section blog. Bonne lecture.
Mon ami Jérôme n’est pas là à dix-huit heures. Et s’il était arrivé à l’heure, je me serais probablement méfié de peur que ce ne soit pas le bon.
En l’attendant, Rebelle joue sur la place de l’église avec deux enfants. Je les ai déjà croisé quelques fois les jours précédents. L’un d’eux est en extase devant la fontaine qui se dresse à l’entrée de mon jardin. Il aime y remplir des récipients, brancher des tuyaux, y mouiller ses vêtements, ce sont des moments de passion où tout le reste lui est étranger. Mon chiot semble représenter un aussi grand danger que source inaltérable d’amusement. Cette ambiguïté qui l’intrigue et le révulse. Ces jours précédents l’appréhension l’avait emportée. Ce soir l’envie semble dominer. Je tâche de me faire médiateur entre ces deux là et rapidement ils sont épris l’un de l’autre.
Jérôme arrive. Se gare. Devant l’église. Il stoppe son moteur. Je m’attends à le voir me rejoindre, mais j’entends des voix émanant de son véhicule et je comprends qu’il est au téléphone et qu’il règle ses derniers soucis de vie civilisée avant de me rejoindre.
Il arrive avec deux bouteilles et un sourire radieux.
Je lui fais rapidement visiter les lieux. Je décide de l’emmener immédiatement vers mon endroit préféré du hameau. Nous montons en direction d’une petite maison qui domine le village. Le chemin qui y mène aurait mérité deux ou trois serpentins. Pourtant, il monte direct la pente. L’endroit est sublime. La vue superbe. L’horaire est idéal car le soleil est déjà un peu bas et il fait encore bon. Les ombres sont longues et les couleurs chaudes. La bâtisse est ancienne et je découvre ce soir là que ce ce que je crois être une grange à l’abandon est une habitation secondaire camouflée. J’adore dans ce massif les anciennes porte en bois, grillées par le soleil, avec des serrures anciennes et dont la dimension des clés n’est plus compatible avec notre époque. Les planches alternent le noir et le marron fonction des veines du bois et de leur exposition au soleil. C’est magnifique. Pierres anciennes. Vieux bois. Des pentes de toits typiques du secteur. J’y établirais volontiers domicile. Nous rattrapons le temps perdu, parlons beaucoup, et entamons une bouteille de vin blanc et un saucisson montés pour l’occasion. Nous nous apprécions beaucoup. Nous n’avons pas les mêmes fêlures mais en avons d’aussi béantes. Nous n’avons pas les mêmes qualités mais en possédons d’aussi grandes. Nous vivons l’un et l’autre les choses de la vie deux fois plus intensément. Les bonheurs et les malheurs. Nous sommes des êtres à fleur de peau qui nous en arrangeons comme nous le pouvons. En faisant au mieux. Et nous apprécions de pouvoir partager cela.
Un peu plus tard, nous redescendons au village. Le moment est délicieux. Nous sommes baignés des derniers rayons de soleil. La chaleur se fait supportable. Bientôt la fraicheur s’abattra sur les champs environnants. Le bitume préservera un peu du chaud de la journée. Les jardins seront frais. Vers 22h, l’humidité tombera. La nuit sera délicieuse.
Mais avant cela, il semble que ce soit l’effervescence au village ce soir. Les vaches sont nombreuses dans les champs depuis le début de mon séjour. Mais ce soir, ce sont les moutons et les chèvres qui sont arrivés dans une petite parcelle d’herbe et de pommiers. Et les jeunes nés, frêles agneaux tètent leur mère. Les deux enfants de l’après-midi assistent eux aussi à ce beau spectacle avec leur mère. Nous entamons une discussion de béotiens avec l’agriculteur. Personnage peu prolixe dans un premier temps qui finalement se répand et dont nous apprenons qu’il démarre cette vie depuis trois ans. Né dans ce village, il a exercé son métier à Paris chez France Telecom pour bénéficier d’une pré-retraite à 55 ans, âge auquel il a décidé de se lancer dans la production de lait et de fromage avec quelques chèvres et moutons. Cela me fait un peu rêver. La maman et ses deux enfants rentrent à leur domicile et j’apprends que ce sont de “vrais” habitants du village. Je les avais imaginé eux aussi confinés pour une durée limitée dans le hameau.
Jérôme et moi rentrons à mon gîte et rattrapons le passé. Quelques mises au point de nos situations, professionnelles d’abord, amoureuse ensuite, de projections, de projets, d’envies, de délires, de rires. Et la nuit est presque terminée quand nous allons nous coucher. Mais au fond, ce sont des moments essentiels, importants, de ceux qui marquent nos vies. Ceux dont on se rappelle peu mais dont on se rappelle bien.
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