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Voici le chapitre 18. Les chapitres précédents sont disponibles sur ce site. Ils le sont par le menu en haut à droite de cet écran dans la section blog. Bonne lecture.

 

C’était il y a un an. Je quittais les Bauges. Pour y revenir. En repartir. Y revenir encore. Cet été là, j’ai parcouru l’Aude et la Bretagne. En de nombreux endroits j’ai eu l’envie de m’installer. Puis je suis rentré. 

Me voilà maintenant à continuer de parcourir ce chemin avec mon chien Rebelle. Voilà seize jours que nous marchons. 

Les corps s’adaptent. Le corps s’adapte à tout. La charge de 20 kilos s’est révélée douloureuse les trois premiers jours, le temps que la musculature se fasse à ce nouveau gabarit. Les points d’usures en revanche mettent du temps pour Rebelle et pour moi à guérir. Il faudrait être sage et assumer quelques jours de repos. Ce que nous ferions si le périple durait six mois ou plus. Nous tâchons de trouver le meilleur compromis possible entre souffrance et plaisir. Et c’est une constante sur ce chemin. Tout est négocié. Vaut-il mieux porter un peu plus de nourriture, l’eau sera-t-elle en quantité suffisante, ces deux savons étaient-ils nécessaires sachant que nous en trouverons sur le chemin. On rééprouve la soif, la faim et le sommeil.

 

Ce que vivent les pèlerins est un résumé de vie. C’est pour cela qu’il est si agréable et si nécessaire. L’âge faisant, on pense pouvoir échapper aux difficultés. On réapprends à se lever et à marcher sous la pluie. Et parfois ça dure. Et le sac est lourd. Et les paysages sont laids. Puis revient le soleil, et on comprends à quel point il est agréable. Mais on ne l’apprécie jamais autant qu’après le déluge. Ce chemin nous enseigne l’endurance et la résistance. Les petites douleurs. Et les grandes douleurs. On est là pour les dissiper. On se bat avec soi-même. Mais au final on doit s’accepter. Aussi moche soit l’introspection. L’aversion. L’introversion.

Le contact avec la nature est fort. Les veaux aux champs avec vaches et taureaux. Énormes taureaux. Le serpent qui se fraie un chemin dans les rocailles chaudes. La biche qui fait des bonds de deux mètres dans le champs de blé pour voir sa direction. La famille de rats musqués qui traverse le chemin. Le petit, le moyen, le gros et le très gros. Le lièvre qui reste dans la prairie à vous observer puis qui finit par détaler. Les innombrables oiseaux de proies qui tournent au dessus d’un champs des heures durant. Les oiseaux qui vous accompagnent, chantent à votre passage, vous suivent un peu si vous jouez.  Les crapauds sur le bord des fontaines. Ces chiens cons enfermés. De splendides chevaux attirés et craintifs. Les cigales. Les scarabées énormes. Les taongs qui vous taquinent. On oublie tout ça. Durant cette promenade, on est sur leurs territoires. Le reste de l’année c’est l’inverse. On renoue. Avec l’essentiel.

La flore est omniprésente. Il est si simple de déceler les agriculteurs respectueux de ceux auxquels on a enseigné l’intrant. Les champs de blés inondés de coquelicots. Les forêts remaniées par l’homme. Des files rectilignes d’arbres comme l’on a construit New York. Les essences que l’on a cru bon de planter. Heureusement, de vastes prairies oubliées montrent à quel point la nature est belle et sait se rebiffer. Oubliez là dix ans. Elle reprends ses habitudes. Les bonnes. 

Et l’humain. Ce sentier semble hors du temps. Tout le monde s’y tutoie. La vie que vous y avez hors de ce sentier n’existe pas. Les préjugés sont absents. Tout le monde parle à tout le monde. Tout est simple. C’est étonnant de voir comme tout le monde y est à l’aise. C’est le propre de l’humain. Dès lors qu’il se sent en groupe, qu’une passion commune l’anime, alors il est bon et con. Bon, parce qu’il est fraternel avec celui qui partage sa curiosité. Con, parce que quand il se sent réunit autour d’un sujet, il est excluant. Foot, religion, bêtise, les exemples font légions. Il n’empêche, ce contact simple est agréable et constitue un fait important de cette expérience.

Nous allons le continuer ce périple. En y faisant des erreurs. Et en apprenant.