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Voilà, l’Aubrac est traversé. Une journée entre brume et soleil. Puis une de pluie franche. De celles qui vous mouillent les os. Nous arrivons maintenant le long du Lot et sans ses petits villages pittoresques.

Voici le chapitre 16. Les chapitres précédents sont disponibles sur ce site. Ils le sont par le menu en haut à droite de cet écran dans la section blog. Bonne lecture. 

 

Il est 6h quand Rebelle et moi partons de notre campement. La nuit en tente a été fraîche. L’ambiance est entre soleil et nuage. Le soleil vient de se lever et illumine la nature d’une lumière très chaude. Elle donne aux pins qui nous entourent des couleurs verts foncés avec des pommes oranges. Plus loin, la brume recouvre les collines. Pendant vingt minutes nous traversons une forêt pour arriver dans des paysages typiques de l’Aubrac. Un chemin qui file droit entre des murs de pierres sèches, dans lesquels sont plantés tous les deux mètres de vieux piquets de bois bardés de mousses et de lichens, retenant un fil barbelé. A notre droite, des champs à perte de vues. A notre gauche, une nappe de brouillard dense. Des vaches accompagnées de leurs veaux nous observent. Nous sommes les premiers ce matin sur ce chemin. Elles sont parfois étonnées de la présence du chien et accourent en groupe pour se rapprocher de la bête. Plus probablement par étonnement que par précaution de leurs petits. D’énormes taureaux pesant plus d’une tonne, placides, sont aux champs également. C’est étonnant de voir la musculature de ces animaux compte tenu de leur activité. Paître toute la journée en faisant un minimum de mouvement. 

Le soleil a petit à petit disparu derrière un voile de brume. Cela donne une ambiance féérique à ce plateau. Mais un assombrissement encore supérieur et l’on comprend la présence des cloches pour que les pélerins puissent se diriger vers un refuge en cas de brouillard dense. On sent que le plateau peut revêtir mille vêtements. De l’anorak polaire à la robe de plein été en passant par des variations infinies. Nous rencontrons les premières gentianes depuis le début de notre périple. Plus loin encore, des zones marécageuses et des cours d’eau larges mais tranquilles, qui donnent en miroir les nuages parcourant le bleu du ciel. Les bâtisses sont austères et solides. Faites de pierres granitiques, elles rappellent les constructions bretonnes du sud finistère, mais les toits de lauzes et les grillages retenant la neige stoppent là le parallèle. Là encore, à part quelques sections de route, on sent que le pélerin qui traversait ces pâturages il y a deux-cents ans pouvait observer exactement les mêmes paysages. Ses chaussures devaient être moins bonnes, son sac moins confortable, il devait être plus religieux, mais il trainait ses idées et sa souffrance physique de la même façon. 

Plus loin encore, d’énormes blocs de granit parsèment les champs verts, donnant un paysage caractéristique de ce plateau. Une vache, une gentiane, un bloc de granit et vous êtes à coup sûr en Aubrac.

Pour parfaire notre culture, enfin arrivés à Nasbinals, je goûte les plats locaux. La saucisse de pays accompagné de l’Aligot, sorte de purée amplement mélangée à la tomme fraîche d’Aligot. Des fils en kilomètres, un goût délicieux et une compensation calorique largement supérieure à celle perdue durant ces quelques kilomètres. C’est bon. Les marcheurs arrivent petit à petit, on échange sur nos parcours, nos expériences, nos bons plans, nos paysages préférés, nos vies. 

Je m’installe dans une auberge où je suis venu 25 années auparavant. Le petit fils tient dorénavant la maison que la grand-mère lui a cédé. Ca n’a presque pas changé. Ce massif est hors du temps, parce qu’il ne cède pas au rythme et aux choses du reste du monde. C’est ce qui le rend si agréable et déconnecté et probablement si compliqué à vivre en expatrié.

Demain, nous continuerons Rebelle et moi ce chemin, découvrirons de nouveau paysages et rencontrerons de nouvelles personnes.