C’est une belle journée d’été en Bretagne. J’ai huit ans. Je suis sur la plage du village où mes grands parents se rendent chaque année à la fin de l’été. J’y passe la dernière semaine avant la rentrée scolaire. Malgré l’été et le Finistère sud, l’eau n’y dépasse jamais les 18°.
Je me suis amusé pas loin d’une heure dans l’océan à inspecter les fonds marins avec mon masque et mon tuba. J’ai aperçu des soles, qui à mon arrivée se dissimulent dans le fond sablonneux. De nombreuses étoiles de mer accrochées aux rochers, dont les couleurs oscillent entre l’orange et le violet. Des crevettes, deux aiguillettes, une vieille, un lieu noir, un crabe vert, beaucoup de bernard l’hermites et une énorme méduse évitée in extremis.
A plusieurs reprises ma grand-mère m’a appelé pour que je vienne me réchauffer sur la plage. Mais l’exploration était trop extraordinaire pour que j’y renonce. Je feignais de ne pas l’entendre. Elle finit par avoir raison de ma sortie en évoquant la traditionnelle crêpe du quatre heures.
Les vagues accompagnent mon retour sur la plage. Ma peau est parcourue de frissons, les poils hérissés et les dents prêtent à claquer. Mamie me tend la cape qu’elle m’a confectionnée. Une serviette de bain cousue et parcourue d’un élastique en haut qui laisse dépasser la tête. J’ai tellement froid que je m’assois et me glisse intégralement à l’intérieure. Mes paupières sont fermées et je m’amuse à observer les couleurs qui les traversent. Le soleil inonde mes yeux de couleurs jaunes et orangées. Pourtant les dents claquent.
L’atmosphère se réchauffe tout doucement. Mamie me tend la crêpe de blé noir et les carreaux de chocolat par le sommet de la cape. J’engouffre la crêpe en quelques bouchées. Et je suce les carreaux de chocolat pendant de longues minutes. Tentant à chacun d’eux de battre le record. Celui qui restera le plus longtemps dans la bouche. Je savoure. Je déguste. Ce temps d’enfant n’existe plus. Un temps qui s’étire et se dilate. Un temps où rien d’autre que le goût procuré par la succion de ce carreau de chocolat n’occupe mon esprit. Le bruit des vagues. La discussion de ma grand mère et de son amie en arrière plan. Quelques enfants qui jouent sur la plage. Ce goût délicieux. Le soleil qui chauffe ma peau. Les couleurs chaudes sous mes paupières. Tout est calme. Reposé. C’est doux.
Ce temps là. Ce moment là. C’est le plus doux. Le plus beau. C’est le meilleur instant de ma vie. Quand je la quitterai, j’aimerais revivre cet instant. Je partirai heureux.
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