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C’est Laura qui entame la discussion : “

  • Tu sais Téo, ce n’est pas qu’on ne veuille pas de toi, mais on a décidé d’arrêter de s’investir. Des types comme toi, on en voit passer dix par an.”

Et Romain de renchérir : “

  • Bah oui, le dernier, il est partit y’a 3 jours ! Il annonçait faire sa vie ici. Il est resté deux semaines !”

Téo : “

  • Ah oui… je comprends mieux. Mais, vous êtes là depuis combien de temps ?

Laura : “

  • Nous, c’est différent, on est né là. Beaucoup de jeunes sont partis. Souvent ils partent, voyagent, ont du mal avec le monde extérieur, en particulier avec l’argent qui est absent ici et reviennent. Quelques temps encore, puis ils se lassent de nouveau. Du coup ils sont inadaptés ici et inadaptés dehors. Finalement, beaucoup reviennent sur le tard, vers la cinquantaine.”

Téo :”

  • Oui, peut-être que beaucoup s’en vont. Moi je suis venu pour rester ici. Je n’ai aucun plan de retour et de toute façon ce monde “extérieur” comme vous dites, il n’est pas pour moi. Alors j’ai bien l’intention de faire partie des vôtres.”

Pour le moment, Alex et Marine n’ont pas pipé mot. Ils semblent à cent mille lieux de cette discussion et si Laura et Romain ont exprimé clairement leur intention de ne pas s’investir dans de nouvelles relations, eux sont au point de ne plus même le déclarer. C’est dommage, Téo aurait volontiers entamé une discussion avec Marine.

Romain :”

  • Et au fait, tu vas faire quoi ici ? Champs ? Débardage avec les chevaux ? Les chèvres, les vaches ? Vu tes mains et tes épaules, je doute que tu nous aides à la charpente.”

Un petit rire moqueur s’ensuit. 

Téo n’avait pas vraiment imaginé sa première journée ainsi. Laura, Romain et Alex se lèvent, quittent la table, le saluent. 

Seule Marine est restée :”

  • Ne les juge pas trop sévèrement. Nicolas est partit il y a 3 jours et ils s’étaient beaucoup attachés. On n’a pas très bien compris pourquoi il s’en est allé et c’est perturbant. Le vase clôt a ses avantages. Ses inconvénients aussi. Ces étrangers qui arrivent portent souvent un regard très lucide sur qui nous sommes. Ce n’est pas toujours agréable à entendre. Si tu souhaites vraiment rester sur le long terme, tu vas devoir t’intégrer. En général quand vous arrivez, les tâches physiques sont difficiles pour vous. Tu vas beaucoup dormir les premiers temps. Beaucoup manger aussi. Moi, je m’occupe du troupeau de vaches. C’est contraignant. Je me lève tôt le matin. Je me couche tard le soir. Les traites. Tu as déjà trait ?
  • Non, jamais encore. 
  • Alors viens demain matin avec moi. J’ai besoin d’aide. Je le signale depuis assez longtemps, mais tout le monde semble l’ignorer. On ne sera pas trop de deux. A demain matin.”

La situation n’est donc pas désespérée. Si cette journée n’a pas été celle à laquelle Téo s’attendait, la fraicheur de l’acceuil de sa communauté est compensée par la réjouissance d’accompagner demain Marine gérer le troupeau.