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C’était le dimanche. Le dimanche midi. Sans doute une fois par mois. Je ne m’en souviens plus tout à fait. Je devais avoir dix ans. Un rituel familial qui a duré quelques années. 

 

Mon grand-père accueillait alors ses proches autour d’un repas. Dès mon arrivée, il me convoquait, m’indiquait ce que nous allions manger, et me sommait d’aller chercher le casier à bouteilles. Un objet en plastique rouge, disgracieux, permettant de porter jusque 6 bouteilles. Il terminait sa discussion, ce qui n’était pas chose facile, il parlait fort, gesticulait et n’était pas avare de mots et d’exagérations de toutes sortes.

 

Nous descendions alors les deux étages qui menaient aux caves. Ouvrir la porte. Grinçante. Chercher l’interrupteur. Se prendre les doigts dans les toiles d’araignées. Se promener dans ce couloir en terre battue, mal éclairé, jusqu’atteindre sa cave. De nouveau, le trousseau de clés, les clés énormes, trouver la bonne, puis l’autre clé permettant d’ouvrir la salle aux trésors.

 

Ça sentait la poussière, le froid et l’humidité. 3 pans de mur étaient intégralement recouvert d’étagères fabriquées pour accueillir les bouteilles de vin. Toutes  Il y en avait des quantités incroyables. Des vins qu’il allait chercher directement chez les producteurs cinq à six fois dans l’année. Parfois même il revenait avec des cubis et le travail du week-end était alors de mettre ce vin en bouteille, de le boucher et de l’étiqueter. 

 

Il me récitait alors de nouveau le menu qui allait être le nôtre, et s’arrêtant sur chaque plat, m’indiquait les vins qu’il envisageait, les raisons pour lesquelles il choisissait finalement l’un ou l’autre. Il arrêtait son choix et j’étais alors chargé de prendre la bouteille et la mettre dans son panier. Suivant le nombre de personnes nous remplissions ou non le casier puis remontions.

 

J’étais alors chargé durant le repas, d’ouvrir les bouteilles, en ayant préalablement couper la capsule au dessus de la bague puis de le servir en assurant une rotation de la bouteille après avoir servi le vi pour éviter une goutte sur la nappe.

 

Il ne manquait pas de me faire goûter tous ses vins. Je redoutais cet instant. Je les détestais tous.

 

Ce n’est que vers vingt ans que petit à petit j’ai apprécié le vin. C’est le moment où il lui a fini sa vie. Sans doute la transmission était-elle assurée.