Sélectionner une page

La journée est annoncée chaude. Tout relativement car les températures ont rarement excédé les 24 degrés. Cette fois ci il est annoncé 32 degrés. Mon chien risque de le vivre difficilement. Aussi je prends la décision de partir tôt. Entre le début de mon voyage et trois semaines plus tard, nous avons perdu presque trente minutes le matin pour le lever du soleil. L’été est bien entamé, les jours raccourcissent et nous voyageons vers le sud et l’ouest. 

Nous partons donc à 6h ce matin là et je sais que rare seront les marcheurs à démarrer à cet horaire. La journée sera solitaire. Ce qui n’est pas pour me déplaire. 

Pourtant deux heures plus tard nous rencontrons une femme. Stéphanie. 

Elle a les yeux rieurs. Plissés de beaucoup de rigolades. Des cheveux noirs et longs. Elle est jolie mais semble l’ignorer. Elle parle peu. Ecoute beaucoup. Elle donne l’impression de ne pas véritablement émettre d’opinions. Je comprends rapidement qu’elle cautionne les propos auxquels elle adhère mais se tait quand elle est en désaccord ou ne pense rien. 

Je passe finalement presqu’une journée à ses côtés. Elle est charmante et semble faire en sorte de demeurer invisible aux yeux de tous. De n’exprimer rien qui puisse rendre une situation conflictuelle. De demeurer le plus invisible possible. 

En parlant avec elle, je comprends pourtant qu’elle me manque pas d’opinion, elle manque encore moins de culture et de savoirs. Son souhait semble être de vivre en paix. Par dessus tout. Discrète. La discrète.

C’est d’ailleurs ce qu’elle m’explique finalement. Mère de trois enfants. Elle vit avec leur père depuis 25 ans. Il ne s’agit plus d’amour. Elle connait son mari depuis le lycée et ils sont demeurés avec la bande de copains de l’époque. Tous ensemble. Soudés. Ils s’accommodent l’un et l’autre de ce qu’ils ne vivent plus. Ils mènent leur vie chacun. Se retrouvent parfois. Surtout avec ces amis.

Détestant par dessus tout les situations instables, complexes, conflictuelles, elle préfère demeurer ainsi. Elle s’en accommode par flemme. Pas très heureuse. Pas très heureuse du tout. Mais pas suffisamment malheureuse pour affronter ses démons. 

Le soir, elle dort dans un gîte qu’elle a réservé de longue date. Pour éviter les surprises. Je m’arrête un peu plus loin et je bivouaque. 

Je ne la reverrai pas.