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Il y a des jours où les départs sont plus compliqués que d’autres. J’entame cette nouvelle étape un peu fatigué et sans grand moral. Après un petit parcours citadin pour quitter la ville où j’ai dormi, le sentier se hisse avec vigueur le long d’une falaise. Il fait suer. Finalement la côte gravie, un joli panorama s’offre sur cette ville et le lacet du fleuve qui l’enserre. Quelques kilomètres plus loin, je me fais rattrapé par une jeune femme au pas alerte. Nous discutons et je cale mon rythme sur le sien. Rapide. 

Tiphaine est jeune, une trentaine d’années, une allure sportive, un dynamisme certain, tant dans son caractère que dans sa démarche. Volontaire. Elle redémarre le sentier ce matin même. Elle est exempte de douleurs des jours précédents et je sens qu’elle entend faire de grandes étapes et aller rapidement. Elle me parle longuement de sa situation professionnelle. Semble-t-il assez favorable mais qui ne la convainc pas. Après des études littéraires et artistiques, elle est finalement comptable pour une société de construction. On lui propose de nouvelles évolutions au sein de cette structure. Elle est est flattée mais sait que cela ne correspond pas à ses aspirations. Elle ignore comment résoudre ce problème. Elle entend le solutionner durant sa marche. Ainsi que des relations amicales qu’elle souhaite voir évoluer. 

Je vais recroiser Tiphaine en de nombreuses occasions. Elle adore mon chien. Elle nous réserve beaucoup d’attentions. Jusqu’à appeler de son propre chef des gîtes pour savoir si nous pourrons y dormir le soir même.

Tiphaine est extrêmement sociable. Parle à tous les pèlerins qu’elle croise. Elle est populaire sur ce chemin et tout le monde l’apprécie. Elle avance rapidement. Plus que la plupart. Cela lui permet chaque jour de rencontrer de nouvelles personnes.

Elle est jeune, elle relève un défi physique, elle veut être rapide, et je sens que cette pression est un réflexe habituel chez elle. Toujours plus. Plus haut. Plus vite. Plus fort. Plus. Encore et toujours plus.

Quelques jours plus tard, je discute avec un pèlerin qui a passé la nuit précédente au même endroit qu’elle. Il m’apprend que la mère de Tiphaine est décédée très récemment et que c’est la raison qui la fait marcher. Je l’ignorais.

Cette femme est admirable. Elle digérera et avancera. Sans doute encore un peu trop vite. Elle aura du mal à trouver celui qui saura la suivre. Mais elle trouvera.