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Dans quelques jours, j’irai signer les papiers qui rendront mon divorce tout à fait officiel. C’est maintenant chose fréquente et usuelle pour les gens de ma génération. Pour moi, c’est un échec.

J’avais quinze ans quand j’ai rencontré ma femme. Nous avons vécu trente années ensemble. Avons eu deux chouettes enfants. Maintenant grands. Il y a quatre ans, nous demeurions persuadés l’un et l’autre que nous ferions deux petits vieux ensemble. Toute notre vie nous avions pensé ça. On vivait une vie plutôt agréable et étions certainement dans les 10% des couples qui s’entendaient le mieux.

Et puis un jour, elle n’est plus parvenue à se projeter ensemble. Ca lui était impossible. J’avais beau revenir avec des idées chaque fois différentes, à tenter de venir proposer des choses qui me semblaient proches de ses envies, rien à faire, elle n’y arrivait plus. Et puis petit à petit je suis aussi devenu son empêcheur, celui qui l’empêchait de tout. Je n’aimais pas ce rôle de merde et j’ai tenu deux ans. Deux ans avant de tomber amoureux d’une femme avec laquelle j’ai voulu refaire une nouvelle vie. Mais dont ce n’était pas l’envie.

Gamin, mes parents ont divorcé. C’est un mauvais souvenir. Cela m’a fait passer pour certains traits d’enfant à vieux sans avoir été adolescent. Cela m’a fait rejeté la violence par dessus tout, et même à en avoir peur, avoir peur de ma propre violence, avoir peur de moi. Je me suis mis à détester toute forme de conflit. Explicite ou larvée. A rejeter tout ce qui s’approchait de la séduction. Et surtout, je me suis fait une promesse à cette époque. Celle de ne jamais divorcer.

Alors je rompt avec une femme, mais je rompt avec l’enfant que j’étais. Il était sans doute temps ! 

Il faut inventer la suite maintenant. Inventer la fuite.